Un postulat de départ attirant

The Chinese Room, comme son nom ne l’indique pas, est un studio indépendant basé à Brighton, sur les côtes sud de cette bonne vieille Angleterre. Bien qu’il fasse partie du groupe Sumo Digital (comprenant 16 studios au moment de la rédaction du présent test), il prône une culture d’entreprise fondée sur l’inclusion, la dignité, l’épanouissement et le respect. Cela ferait presque rêver au regard des dossiers judiciaires en cours chez certains mastodontes vidéoludiques. 

Créé en 2007, le studio a doucement gravi les marches du succès en développant des mods pour Half-Life 2, en produisant Amnesia: A Machine for Pigs ou en collectionnant les récompenses aux BAFTA et aux TIGA Awards. Après le très bon accueil de Little Orpheus, les équipes ont emménagé dans de tout nouveaux locaux et ont entamé le développement de Still Wakes the Deep. Lors de ses diverses présentations, ce walking simulator horrifique a piqué notre curiosité, tant il semblait prometteur. Il est maintenant temps de prendre la mer pour rejoindre la plateforme pétrolière Beira D pour juger de la qualité du titre.


Quand le sort s’acharne, inutile de lutter

Notre aventure débute au large de la mer du Nord où notre personnage principal, Cameron McLeary a en quelque sorte trouvé refuge. En effet, après avoir copieusement refait le portrait d’un mec “trop proche” de sa compagne, notre amoureux impulsif tente de fuir la police en se faisant embaucher comme électricien sur la plateforme pétrolière où son meilleur ami travaille comme cuisinier. Les bobbies ne tardent pas à retrouver sa trace et contactent le responsable de l’exploitation. Une mauvaise nouvelle n’arrivant jamais seule, notre pauvre bougre surnommé “Caz” reçoit une lettre de son épouse évoquant un possible divorce, alors même qu’il est convoqué dans le bureau du patron pour se voir notifier son licenciement. 

On pourrait se dire qu’il ne peut y avoir pire journée, mais c’est sans compter sur les incidents de forage et une explosion d’envergure qui frappe la station alors que Caz s’apprête à prendre l’hélicoptère pour rejoindre la terre ferme. Dès lors, nous n’aurons plus qu’un seul but : trouver un moyen de regagner la côte et éviter de se faire repérer par nos anciens collègues qui ne semblent plus être les mêmes depuis la catastrophe.


Une technique maîtrisée

Le titre est assez court, puisqu’il nous a fallu moins de cinq heures pour en connaître le dénouement. C’est un sentiment bien étrange que nous avons ressenti lorsque le générique défilait lentement devant nos yeux. C’est sans doute la première fois que notre avis sur un jeu est aussi flou, peut-être à cause de la brume écossaise. 

Plus sérieusement, dès le premier instant, nous avons été immergés dans le récit. Les équipes de The Chinese Room maîtrisent leur sujet et la qualité graphique n’a rien à envier aux productions AAA. Les textures sont parfaites et rien n’entache le visuel et la crédibilité des décors. D’autant que l’ambiance sonore soignée joue son rôle à merveille. Le vent, les bruits métalliques, le brouhaha d’un site technique en activité, tout est merveilleusement retranscrit et le joueur est plongé dans un réalisme assez bluffant. Bien que la bande-son soit purement anecdotique, elle vient ponctuer les moments forts de l’aventure et son absence parvient finalement à renforcer notre impression de solitude lors des déambulations de Caz.

On soulignera aussi le soin apporté aux doublages proposés, d’ailleurs une complétion est liée à l’un d’entre eux. Les plus érudits pourront également relever la présence d’accents territoriaux écossais peu fréquents, même dans les productions britanniques.


Mais des mécaniques trop usées

Pourquoi donc être si embrouillé dans notre avis puisque la technique semble si parfaite ? Tout simplement parce qu’il n’y a pas que la beauté extérieure qui compte dans une œuvre vidéoludique. Comme a encore pu le prouver récemment Hellblade II, la vraie qualité d’un jeu va bien au-delà de la rétine. Force est de constater que Still Wakes the Deep passe complètement à côté de son aspect psychologique. C’est d’autant plus dommage, puisque le titre ne mise que sur l’angoisse pour tenter de faire peur. 

Le gameplay ne propose en effet aucun affrontement en tant que tel. Le seul challenge étant de traverser une zone hostile sans se faire repérer. Là encore, pas vraiment d’anxiété qui s’invite à la fête puisqu’il est relativement aisé pour un habitué du genre de se faufiler sans même sourciller tant les jump scares sont téléphonés. Peut-être qu’un néophyte y prendra plus de plaisir glaçant, tout compte fait. 

Les mécaniques sont malheureusement plus qu’éprouvées et une fois que l’on a actionné dix fois le même type d’interrupteur, on se lasse un peu de répéter les mêmes gestes pour résoudre des pseudo-énigmes environnementales. Le level design prête également parfois à sourire quand un sac poubelle posé dans une coursive nous empêche d’aller plus loin. Certes, c’est quelquefois plus subtil, lorsqu’un ouvrier de la station effectue une réparation sur la passerelle que nous voulions emprunter, mais c’est globalement assez désuet dans la conception. Sans compter que le cheminement est très “couloir”, même pour le genre.

Still Wakes the Deep est donc un titre qui distille le chaud et le froid, mais qui pourrait en ravir certains, surtout les néophytes, selon nous. Il est disponible depuis le 18 juin 2024 sur PC, PlayStation, Xbox Series X|S et inclus dans l’offre Xbox Game Pass depuis sa sortie.



The Chinese Room n’en est pas à son coup d’essai en termes de productions horrifiques. C’est peut-être cela qui met le jeu en difficulté. En effet, Still Wakes the Deep use et abuse de mécaniques qui ne parviennent pas à convaincre un joueur ayant un peu de bouteille lui aussi. Malgré un niveau graphique remarquable et une ambiance sonore très immersive, nous sommes restés sur notre faim en ce qui concerne l’angoisse promise par le studio. Un titre qu’il faut probablement destiner à un public au cuir moins tanné que le nôtre par les expériences vidéoludiques psychologiquement angoissantes.

Constantes positives

  • Un niveau graphique digne d’un AAA
  • Une ambiance sonore très immersive
  • Une histoire classique, mais bien contée

Pathologies

  • Un gameplay bien trop émoussé pour faire mouche
  • Un level design trop couloir

Le tampon du spécialiste

Informations complémentaires :

Type :Horreur psychologique
Développeur :The Chinese Room
Éditeur :Secret Mode
Date de sortie : 18/06/2024
Version : NC
PEGI :PEGI 16 : Langage ordurier, Horreur
Temps de jeu : 5H

Matériels de test :


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