Petit retour dans le passé. La fin du millénaire précédent. Les années collège. Alors que les hormones en ébullition guidaient la majorité, d’autres participaient à de glorieux moments de l’Histoire du jeu vidéo. À cette époque, les moins introvertis se retrouvaient parfois au bar du coin, qui avait pour habitude d’exhiber une ou plusieurs bornes d’arcade, attraction préférée de ces ados “pas comme les autres”.
C’était l’âge d’or de SNK qui, en 1996, dépoussiéra le genre du run n’ gun, dont le fameux Contra de Konami, qui avait enchanté nos jeunes années, commençait déjà à devenir vieillot. Metal Slug, avec son action survoltée, ses boss énormes, sa difficulté corsée, ses caméos à gogo et son humour omniprésent, a marqué son temps et reste aujourd’hui LA référence du genre, parfois copié, mais jamais égalé.
L’équipe de Leikir Studios est probablement composée de certains de ces “petits jeunes” qui ont été captivés à l’époque par le titre et propose aujourd’hui, plus de quinze ans après le dernier épisode canonique, une relecture de la licence dont les nombreux épisodes ont déchaîné les amateurs de destruction de masse. Côté éditeur, on ne présente plus Dotemu, à qui l’on doit d’autres résurrections de licences légendaires, comme TMNT ou Streets of Rage.
Vous êtes qui, vous ? Anglais ? Américain ?
Comme son illustre modèle, pas le temps de s’encombrer avec un scénario en quinze épisodes, place à l’action ! Le changement le plus notable est le passage à la 3D isométrique, parfaitement logique pour le titre. L’aventure débute donc aux commandes de ce cher Marco Rossi, qui reçoit sa mission par radio de la charmante Margaret. Les explications sont complètes, mais un peu particulières dans leur navigation. C’est via le BMD et après une pression sur le stick droit, qu’une cascade de fenêtres peut parfois apparaître.
On comprend quand même rapidement les notions de base qui sont au centre du gameplay : la ligne de tir, le système d’esquive et de couverture, les armes spéciales et même diverses attaques spécifiques qui consomment de l’Adrénaline, une ressource qui, conjointement à l’Esquive réduisant les dégâts subis, s’accumule… en se déplaçant.
Pour la mise en pratique, on rejoint quelques écrans (et quelques kills) plus loin, les filles de Metal Slug 2, Fio et Eri. À partir de là, le jeu nous laisse nous débrouiller pour la dernière partie du tutoriel, en nous rappelant bien fort que, même si l’aspect stratégique au tour par tour est au centre du gameplay, ce “Tactics” reste avant tout un run n’ gun. Alors c’est parti pour courir partout et défourailler comme des dératés ! Au risque de bousculer pas mal de vieux réflexes liés au genre.
En effet, il est impossible de jouer le planqué. Déjà, parce qu’il faut se mettre à portée des ennemis pour privilégier les attaques combinées. Et, surtout, il faut garder en tête que pas de déplacements, pas d’Adrénaline et pas d’Adrénaline, pas d’attaques spéciales ! À vouloir se priver de toute une partie de l’arsenal des personnages au nom de la prudence, c’est le Game Over assuré.
Il faut donc, à chaque tour, tenter de se replacer intelligemment en effectuant les plus longs déplacements possibles, tout en essayant de privilégier une approche offensive. Heureusement, il est possible d’annuler tous les déplacements en cours, mais une fois qu’une action est lancée, le jeu sauvegarde automatiquement.
Après ce hors-d’œuvre, le premier passage rapide dans le casernement du groupe permet uniquement de sélectionner nos trois loustics pour rentrer dans le vif du sujet. Une fois encore, le Général Morden a fait main basse sur une nouvelle région contestée du globe et comme Minus et Cortex, prévoit une fois de plus de conquérir le monde !
J’adore l’odeur du napalm au petit matin
Chaque niveau disponible sur la carte du “stage” en cours présente deux objectifs (un principal et un optionnel), qui apportent en cas de victoire divers bonus. Un ravitaillement bienvenu, surtout lorsque l’on consomme les chargeurs des armes secondaires comme des TicTac, des pièces à dépenser entre chaque monde pour améliorer les pouvoirs des personnages, des power-ups et autres joyeusetés.
On offre ainsi aux nostalgiques et aux vieux briscards de retrouver leurs marques, avec ces environnements désertiques et ces ennemis qui nous courent après comme des poulets sans tête avec leur sabre. Les arènes sont plutôt restreintes (même si certaines s’étendent progressivement) et la stratégie est bien là, avec ses objectifs de destruction, de survie ou d’extraction.
L’action est immédiate, on est systématiquement en infériorité numérique et très proches des ennemis. Le positionnement optimisé à chaque tour du combat permet de maximiser la destruction avec des attaques synchronisées (qui sont gratuites) avant que les soldats adverses ne répliquent. Chaque membre de l’escouade a, bien entendu, des armes et des mécaniques qui lui sont propres, qu’il faut apprendre à connaître et à maîtriser pour parcourir les niveaux de manière efficace.
Nos héros gagnent également de l’expérience qui permet de débloquer certains pouvoirs complémentaires, actifs et passifs, choisis aléatoirement parmi leur liste personnelle. Au bout de trois sections nettoyées, le boss apparaît. Cette première confrontation avec un “vieux copain” recrée avec brio les affrontements monstrueux et stressants des Metal Slug d’origine, en maintenant la pression sur le groupe. La majorité des plateformes sont détruites au bout d’un certain nombre de tours, entraînant l’apparition de nouveaux décors garnis de nombreux soldats, et ce, jusqu’à la destruction complète de la forteresse métallique.
Pour survivre à la guerre, il faut devenir la guerre !
Après cette victoire, quelques échanges de bons mots à la radio avec le gros vilain et une pause bien méritée permettant d’investir les ressources gagnées, on repart immédiatement pour… le niveau final. Déjà ? Moui… enfin il faut réussir à le passer, parce que le titre est particulièrement impitoyable sur cette dernière section.
Sur les premières parties, le temps de prendre en main le système d’Adrénaline qui conditionne tout le reste du gameplay et de choisir ses améliorations un peu au hasard, on subit forcément quelques échecs. Certaines missions (celles d’escorte et de défense principalement) obligent à jouer de manière extrêmement agressive pour en voir le bout sans trop de bobo.
Comme dans tout bon Metal Slug, impossible ou presque d’arriver à la “fin” du jeu sans une certaine pratique, malgré les “1up” (les unités de ravitaillement) permettant de ramener un personnage à la vie. Ici, c’est le choix des récompenses de mission qui détermine le parcours à suivre. L’obtention de certains pouvoirs actifs, passifs, power-ups ou encore mieux, les Atouts, ces capacités puissantes à usage unique qui font des miracles dans les situations désespérées, permettant clairement de changer la donne… Comme face au dernier boss par exemple.
Après chaque partie terminée (par une victoire de haute lutte ou un game over déshonorant), on retourne au baraquement pour investir les pièces chèrement gagnées dans quelques améliorations : des pouvoirs en plus ajoutés à la liste de chaque personnage, des sets d’armes supplémentaires et même des modificateurs pour ces mêmes armes. Pas de réelle montée en gamme sur les dégâts ou la survivabilité, juste des choix plus étendus.
Margaret possède les fiches complètes sur chaque héros et indique les conditions à remplir pour débloquer une capacité, un arsenal de départ (modifiant parfois énormément le rôle de l’unité) ou un bout de dialogue qui permet d’en apprendre plus sur leurs relations. Le casting complet des épisodes canoniques parus à ce jour est disponible, mais demande d’avancer un peu (beaucoup) avant de pouvoir en débloquer l’intégralité.
On retrouve donc avec plaisir Tarma, Trevor et Nadia de Metal Slug 4, ainsi que la Team Ikari Warriors de KOF (Clark, Ralf et Leona) qui avait rejoint le roster dans les derniers opus de la série. On n’oublie pas Rumi, la ravitailleuse au sac surdimensionné, qui après nous avoir fait criser en mission d’escorte, ouvre sa boutique au baraquement, permettant d’investir dans des améliorations pour nos armes. Le trio d’origine possède déjà une excellente synergie, mais les personnages supplémentaires élargissent grandement les possibilités stratégiques. Couplés avec la génération procédurale des niveaux, chaque partie est différente et met les neurones à rude épreuve.
Je sème du plomb, tête de c… !
La courbe de progression est donc importante, surtout en prenant en compte les différents niveaux de difficulté. La possibilité (contrainte pour certains objectifs) de devoir nettoyer les trois zones débloquées au fil des parties (désert, pyramides et jungle) pour rencontrer des boss optionnels représente une prise de risque, récompensée par une montée en puissance très satisfaisante. S’attaquer ensuite au niveau urbain final de la base de Morden fait de chaque partie une expérience intense où la victoire n’est jamais complètement assurée. Il reste quand même deux-trois bugs qui font planter le jeu et la lecture de la 3D isométrique est contre-intuitive dans certains cas précis liés à l’élévation, mais rien de bien méchant.
Le système roguelite (les niveaux d’expérience, les pouvoirs et les mods d’arme sont réinitialisés à chaque nouvelle partie) oblige à optimiser les actions et les déplacements en permanence, et il n’est pas possible d’y aller “à la sauvage”, même en connaissant les patterns des ennemis ou le scénario des niveaux. Les cimetières sont remplis de héros, et ici toute erreur se paye au prix fort. Avec les intérêts.
Chaque run prend donc pas mal de temps, à raison d’un peu moins d’une heure par région en moyenne : une évolution complètement en accord avec le côté tactique du titre. Et le plus fort c’est que, comme à l’époque en arcade, on y revient encore avec plaisir. Mais comme on a aujourd’hui quasi trente balais de plus, le rythme est plus posé, et on aime ça. Le travail d’adaptation est excellent, troquant les réflexes contre la réflexion, mais sans jamais trahir l’ADN de Metal Slug.
Ce pixel art “à l’ancienne”, ces gimmicks, ces animations, ces petits détails, ces voix et bruitages d’époque, le respect des spécificités des personnages dans leurs attaques, cette version “Tactics” prouve que SNK a eu raison de confier son héritage et ses personnages de légende aux générations suivantes de passionnés. Tee Lopez, ici très à l’aise dans l’exercice, mixe les rythmes orientaux, tribaux et militaires avec samples d’un autre temps pour une bande-son aux accents old-school qui accompagne parfaitement les rafales de mitraillette et les explosions de grenades.
Diagnostic final
La guerre civilisée n’existe pas. Quoique…
Leikir Studio signe ici un revival de haute volée et la licence Metal Slug méritait bien ça pour sortir de sa retraite, après tant d’années de bons et loyaux services. On se surprend à apprécier le virage pris par le gameplay stratégique, qui arrive pleinement à conserver l’esprit d’action frénétique de l’époque tout en transformant l’exercice en quelque chose de plus posé. Le plaisir est différent mais le fun est toujours là, intact.
Alors oui, le pixel art à l’ancienne ne plaira pas à tout le monde, mais les aventures des Peregrine Falcons, des Sparrows et des Ikari Warriors contre l’indéboulonnable Morden et ses sbires doivent conserver cette inimitable touche rétro, signature à la fois de leur époque et de leur identité.
Constantes positives |
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- Stratégique tout en restant bourrin
- Procédural, pour ne jamais s’ennuyer
- La gestion de l’Adrénaline/Esquive
- Le casting varié
- Roguelite oui, mais très “arcade” dans l’esprit
Pathologies |
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- Sans pitié pour les bidasses qui foncent sans réfléchir
- Pas de réel gain de puissance entre les runs
- Quelques très rares bugs, mais jamais bloquants
Le tampon du spécialiste
Informations complémentaires :
Type : | Stratégie tour par tour, Run ‘n gun |
Développeur : | Leikir Studio |
Éditeur : | Dotemu |
Date de sortie : | 05/11/2024 |
Version : | Xbox Game Pass |
PEGI : | PEGI 12 |
Temps de jeu : | 35H |
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