C’était le mardi 29 avril 2025. L’éditeur Nacon nous a conviés à une journée spéciale, le Cycling Day, dédiée à la présentation exclusive de deux futurs jeux consacrés au cyclisme professionnel : Tour de France 2025 & Pro Cycling Manager 25. Comme chaque saison depuis 2009 pour la première franchise et depuis 2001 pour la seconde, la sortie annuelle de ces itérations est un petit évènement pour les amateurs de « la petite reine ». Sous licence officielle, les deux jeux proposent chaque année leur lot de nouveautés pour satisfaire le plus grand nombre et se rapprocher des simulations cyclistes ultimes. Tour de France 2025 est attendu sur PC et consoles tandis que Pro Cycling Manager 25 restera une exclusivité PC, comme d’accoutumée. Pour en parler, nous avons rencontré des membres du studio Cyanide, à qui l’on doit le développement de ces franchises désormais bien installées dans le paysage vidéoludique sportif.

C’est donc à l’invitation de Nacon et de Cyanide que nous avons rejoint les locaux de l’espace WOJO, tout proche du quartier Saint-Lazare, à Paris. Sur place, tout plein de décorations et de matériels de courses rappelant évidemment l’objet de notre présence : la présentation en avant-première des nouveautés que l’on trouvera dans Tour de France 2025 & Pro Cycling Manager 25. Pour en parler, nous avons fait la connaissance de Clément Pinget, game designer pour Pro Cycling Manager 25, ainsi que d’Antoine Dalibard, un ancien coureur cycliste professionnel et game designer sur Tour de France 2025. Ils ont accepté de se prêter au jeu des questions/réponses au micro de notre clinicien Glandchef et ont présenté leur activité sur ces deux franchises. À quelques semaines de la sortie des deux jeux, c’est l’heure de se mettre en danseuse pour le sprint final !


Messieurs, bonjour ! Tout d’abord, je vous laisse vous présenter ainsi que votre parcours et ce que vous faites aujourd’hui, si vous le voulez bien.

Clément Pinget : Je travaille pour Cyanide depuis un peu plus de 20 ans maintenant, en particulier sur la série Pro Cycling Manager, anciennement Cycling Manager.

Antoine Dalibard : Je suis le game designer sur Tour de France et cela fait maintenant quatorze ans que j’officie à ce poste-là chez Cyanide.


En quoi consistent vos métiers respectifs, une journée type par exemple ?

Antoine Dalibard : Une journée type change pas mal en fonction de la période de développement du jeu. Je dirais qu’il y a peut-être trois grandes phases : la phase de préproduction, où l’on réfléchit aux idées, ce que l’on va faire, les nouveautés, etc. Après, il y a la phase de développement : on teste l’intégration des nouveautés pour vérifier que ça marche bien et que ce soit sympa à jouer. Enfin, il y a une dernière phase relative à la sortie du jeu où l’on cherche à savoir comment le jeu a été reçu avant de réamorcer un cycle de nouvautés et les corrections à apporter pour l’année suivante.

Le jeu passe sous Unreal Engine 5. Qu’est-ce que cela a pu changer sur la façon de travailler des équipes ?

Clément Pinget : Il a fallu réapprendre des choses, le projet n’est plus organisé de la même manière. On a eu beaucoup de choses qui ont été mises en commun entre Tour de France et Pro Cycling Manager mais globalement, pour nous en tant que game designer, cela n’a pas tant changé notre manière de travailler.

Antoine Dalibard : Comme l’a dit Clément, cela fait 20 ans qu’il fait PCM, quatorze ans de TDF pour moi, donc on a des méthodes de production très carrées. Tout avance naturellement au niveau des bases puis Unreal arrive et tout change. Ce n’est donc pas plus compliqué que cela, mais il faut réapprendre, tout simplement.


On constate un véritable gap graphique, surtout sur les environnements. Pour les gens qui regardent souvent le Tour de France et qui ne s’intéressent pas forcément à fond au cyclisme, mais plutôt aux paysages, avez-vous pu aller plus loin sur les décors et créer davantage de modèles 3D ?

Antoine Dalibard : C’est globalement la même équipe qu’avant. En revanche, on a pris beaucoup de temps : Unreal Engine 5, on travaille dessus depuis trois ans, mais il y avait déjà du travail préparatoire encore avant. Cela fait au moins cinq ans qu’on fait cette transition. Elle est en chantier et elle n’est pas terminée. Aujourd’hui, on a un nouveau moteur et on l’utilise pour améliorer les décors, l’éclairage, les ombres, etc. Toutefois, il y a encore plein de choses qu’il nous reste à faire et qui sont encore liées à l’ancien moteur et aux anciennes méthodes que l’on va devoir changer. Par exemple, concernant les cyclistes, le nouveau moteur nous permettra à l’avenir d’améliorer leur modélisation, pour un rendu global plus actuel.

Clément Pinget : Ce qui est très important, pour des séries annuelles comme TDF et PCM, c’est de voir sur le moyen et le long terme : il vaut mieux prendre plus de temps lorsque l’on travaille sur un nouveau moteur, d’autant qu’on va le garder longtemps. C’est toute une nouvelle stratégie à adopter.

À l’image d’une franchise sportive annuelle comme EA Sports FC (ex-FIFA), est-ce que l’on arrive pleinement à la fin de son projet et comment on priorise ce que l’on doit incorporer d’une année à l’autre en jeu ?

Clément Pinget : Il faut accepter que l’on ne peut pas tout faire en un an. Et c’est là le plus difficile, car on a toujours envie de s’améliorer. Il faut être capable de tracer une ligne rouge et de savoir dire « stop pour cette année ». En tant que game designer, on a forcément des idées pour faire mieux, pour changer les choses. La première d’entre elle, c’est de pouvoir se limiter.

Antoine Dalibard : C’est beaucoup de frustration pour être honnête. On le voit chaque année, beaucoup de joueurs nous font des propositions. On en a également de notre côté, qui se recoupent parfois. Je pense qu’on aime bien surprendre aussi, aller là où les joueurs ne nous attendent pas forcément. Malheureusement, on a que trois mois de production, quatre parfois, ce qui reste très court et oblige d’entamer une nouveauté une année et de la terminer la suivante. Puis, des fois, y a des imprévus, alors la suite n’arrive pas l’année suivante mais deux ans après. Oui, c’est un petit peu frustrant, mais c’est aussi l’avantage que l’on a par rapport à un designer qui fait son propre jeu : chez nous, la suite peut forcément intervenir sur l’édition suivante. Rien n’est jamais perdu.

Clément Pinget : Il faut voir le verre à moitié plein. La frustration d’une année, il faut l’oublier une fois le délai de sorti passé. On a la chance de pouvoir relancer une idée l’année suivante et de se dire « on y va » grâce à l’expérience passée de frustration.

Quels sont les plus gros défis lors du développement sur ces deux jeux ?

Antoine Dalibard : Je crois que le plus gros truc c’est le planning en fait. Parce que quand on a un jeu annuel comme ça, on a une date de sortie. Pour nous, c’est peut-être encore plus exacerbé parce que l’on est dépendant d’un événement, le Tour de France, et il ne faut pas être en retard, ne pas le rater. C’est vraiment une grosse pression pour l’équipe, en particulier pour l’aspect économique d’un tel partenariat. L’autre challenge, c’est de se demander si les nouveautés vont plaire ou non aux joueurs. On a un laps de temps relativement court pour marquer les esprits. Le risque c’est donc de ne pas arriver à faire des itérations, d’arriver avec une version qu’on n’a pas trop eu le temps de tester ou qui n’a pas été raffinée par des retours de joueurs. C’est souvent le pire des cas : avoir des nouveautés, c’est bien, mais il faut continuer de travailler sur des patchs amélioratifs après la sortie. L’idée principale restant que le joueur puisse avoir une version agréable à jouer, dès la sortie.

Clément Pinget : Sur PCM, c’est un peu différent avec ce côté gestion qui peut être un peu stressant, difficile. Quand on refait un gros bloc ingame, un système de jeu majeur, il faut qu’il puisse s’imbriquer avec le reste, ce qui n’est pas toujours évident parce qu’on parle de caractéristiques, d’attributs, des formules etc. Si on change le système, il faut faire en sorte que le nouveau ne casse pas tout le reste. Et ça, c’est parfois compliqué.

Et ça arrive quelques fois de devoir reporter une nouvelle feature, la faute à un calendrier de développement désaventageux ?

Clément Pinget : Oui, ça arrive. Toute la difficulté, c’est de le sentir suffisamment tôt parce qu’il y a plusieurs possibilités. Est-ce qu’on coupe partiellement la feature ? Totalement ? Il faut parfois faire des choix et ce n’est pas évident.

Antoine Dalibard : L’avantage que l’on a, selon moi, c’est qu’on a beaucoup d’idées qui sont encore en stock. Si on coupe une grande feature partiellement, on arrivera malgré tout à mettre des petites features à la place, ce qui évite l’impression de « vide ». Sur certaines éditions, il a fallu enlever des nouveautés et penser au service marketing qui a du s’adapter en termes de communication et s’adapter à ces désagréments. Et ça, c’est toujours très compliqué. Aujourd’hui, on est plus sur une optique de qualité plutôt que de sortir à tout prix une feature qui serait loin de l’idée de base. Il y’a encore quelques années, la réflexion n’était pas la même et on aurait tout de même implanté une nouveauté, même imparfaite. Désormais, on préfère s’en priver sur une année et offrir un produit bien plus qualitatif.

Clément Pinget : L’une des difficultés majeures d’un projet annuel tel que ceux-ci, c’est qu’il faut réussir. Comme on est dans un court laps de temps, il faut se caler justement avec les équipes marketing, parce que eux, ils vont devoir aussi présenter le jeu et en parler. Il faut qu’ils aient toutes les infos : eux, ils ne sont pas développeurs, ils sont pas non plus complètement au cœur du jeu, mais ils le connaissent et on doit leur donner tous les détails, suffisamment tôt. Autrement, ils doivent revoir tout leur plan et c’est terrible pour eux.

Antoine Dalibard : On peut donner l’exemple des notes et des attributs des coureurs. Concrètement, c’est quelque chose qu’on aimerait changer. En tant que game designer, pour l’instant, on ne se lance pas parce qu’on ne sait pas si on est capable de le faire en un an. On doit encore travailler et trouver la bonne solution. Nous, on sait où on veut aller, mais on n’est pas sûrs que cela va fonctionner, notamment sur PC où tout est interconnecté. Changer les notes peut paraître simple, oui, mais l’évolution des coureurs, elle fonctionne comment alors ? Comment se base le sponsor pour évaluer un coureur ? Est ce qu’ils veulent l’acheter ou pas ? C’est un ensemble de mécaniques à équilibrer sur lesquelles on n’a pas toujours le courage de se lancer, par peur de ne pas y arriver en un an.

A La Clinique, on a souvent eu des contacts avec des développeurs indépendants qui se lancent dans un tout autre projet après la sortie de leur jeu. Vous concernant, et après tant d’années à développer ces séries, vous n’avez pas parfois l’envie de vous lancer sur d’autres projets ?

Antoine Dalibard : Pour ma part, je dirais que tout revient encore sur cette notion de cycle court de développement. Il y a des choses qu’on n’a pas eu le temps de faire, que j’ai envie de faire, et je suis loin d’avoir tout dit. Alors je pense que contrairement à un développeur indépendant qui a un message à faire passer, une expérience qu’il va proposer aux joueurs, nous on n’arrive jamais réellement au bout. Puis le monde du cyclisme évolue en permanence et rien n’est tout à fait immuable.

Clément Pinget : On ne développe plus ces jeux de la même manière qu’il y’a quinze ans. Aujourd’hui, tout est cadré et organisé, c’est différent. Dans le monde du développement, je dirais qu’il y a ceux qui vont toujours vouloir se relancer dans un nouveau jeu, qui ne voudront peut-être plus entendre parler de ce qu’ils ont fait avant. Pour nous, c’est une quête perpétuelle de perfectionnement. En fait, il faut surtout être passionné d’office par ce sport là, le cyclisme. Personnellement, je ne regarde presque jamais en arrière. J’ai toujours une idée, un jeu idéal, et je pense qu’on peut toujours faire mieux, qu’il n’y a jamais vraiment de fin.


Le Tour de France est un évènement annuel qui peut avoir un engouement variable en fonction des éditions. Est-ce que cela impacte le développement du jeu et ses ventes lorsque cela arrive ?

Antoine Dalibard : Il y a un impact clair de certains événements qui vont être quelque peu « en frontal », même si les calendriers sont toujours établis pour ne pas s’entrechoquer. Sur une année avec les Jeux Olympiques ou une Coupe du Monde de football, qui se déroulent généralement sur la même période que le Tour de France, il peut y avoir un impact clair sur la sortie du jeu, c’est certain.


Nous remercions chaleureusement les équipes de Nacon et Cyanide, ainsi que notre partenaire 7Ccom, pour cette invitation à découvrir les deux prochains opus des simulations cyclistes préférées des joueurs. Notre entretien exclusif avec Clément Pinget et Antoine Dalibard sera à retrouver prochainement et en intégralité sur notre chaîne YouTube. Si les deux jeux vous intéressent, sachez que Tour de France 2025 est attendu sur PC, Xbox Series X|S et PlayStation le 5 juin 2025, tandis que Pro Cycling Manager 2025 sera disponible à la même date, exclusivement sur PC. Le Tour de France 2025 se déroulera quant à lui du 5 au 27 juillet 2025. Alors, plutôt coureur ou gestionnaire d’équipe ?


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