Entrez en pénitence !

Après s’être essayé à la VR, le studio russe Odd Meter Games a fait le choix pour son second titre d’explorer les voies du Seigneur . Indika est un jeu d’aventure qui se démarque par bien des aspects. Son personnage principal n’est autre qu’une nonne évoluant dans une version alternative de la Russie du XIXe siècle. En proie au Diable, elle quitte son couvent pour se rendre dans une autre communauté. En chemin, elle croise la route d’un repris de justice qui parle avec Dieu. Un bien curieux binôme qui devra s’apprivoiser, se faire confiance et s’entraider s’il veut mener à bien ce pèlerinage introspectif.

La version de démonstration mise à disposition sur Steam avait réussi à piquer notre curiosité, tout en conservant un épais voile de mystère sur ce qui nous attendait. C’est donc non sans une certaine dévotion que nous nous sommes jetés corps et âme sur le titre, dès sa sortie, pour vous en proposer un examen complet.   

   


Une rédemption qui commence mal

Indika est une nonne qui n’est pas appréciée dans sa communauté. Elle est en proie à des visions et entend des voix qui font d’elle la bête curieuse du couvent. On se rend rapidement compte qu’elle est en communication directe avec le Diable, qui la pousse à la perversion. Il n’a pas choisi Indika au hasard, car il semble que sous sa soutane brûle un désir charnel inavoué… et bien plus encore.

Vie cléricale oblige, il y a bien peu de distractions pour éviter l’ennuyeuse routine quotidienne. Mais après avoir accompli quelques tâches peu satisfaisantes, Indika est chargée d’apporter une lettre hors du couvent. Enfin une bouffée d’oxygène pour notre religieuse qui va pouvoir s’éloigner des regards réprobateurs dont elle est la cible à longueur de journée. Malheureusement, tout ne va pas se passer aussi paisiblement qu’elle l’avait imaginé. 

À peine a-t-elle franchi les portes de sa communauté qu’elle échappe de peu à une balle qui ne lui était vraisemblablement pas destinée. Est-ce Dieu qui a mis sur sa route ce convoi carcéral en difficulté ? Toujours est-il que le train transportant une brochette de malfrats a déraillé et qu’Indika est sollicitée pour apporter son aide aux blessés rassemblés dans la gare.

En chemin, elle tombe sur l’un des évadés qui souhaite s’offrir les faveurs d’une villageoise sans son accord. Tourmentée par le Diable, elle finit par perdre ses moyens et est découverte dans sa cachette. Bien plus « appétissante » que la campagnarde qui en profite pour prendre la fuite, elle devient la nouvelle proie de l’infâme fornicateur.

Indika échappe in extremis à cette intimité imposée grâce à un curieux personnage qui vole à son secours, avant de repartir aussi vite. Une belle entrée en matière pour ce voyage aux multiples facettes. Notre nonne en prise avec le démon est en pleine remise en question et les évènements qu’elle va vivre ne sont pas faits pour apaiser son âme. Nous n’en dévoilerons pas plus sur l’écriture digne des œuvres de Dostoïevski ou de Boulgakov. À l’instar d’un bon livre, c’est en seconde lecture et une fois le dénouement connu que chaque détail prend un nouveau sens et rend ce qui paraissait insignifiant, délicieux.    


Le Diable se cache dans les détails 

Indika fait partie de ces jeux difficiles à classer dans une catégorie standardisée. Dès le menu, nous restons perplexes face à un écran titre faisant écho à nos souvenirs de la 4ᵉ génération de consoles. Le prélude en pixel art nous amène presque à douter du titre lancé depuis notre ludothèque. L’ouverture du premier chapitre permet de nous rassurer sur la qualité des graphismes 3D, au rendu photoréaliste.

La direction artistique peu commune fait en effet cohabiter une Russie alternative du XIX siècle au visuel léché et des rétrospections narratives en pixel art. On retrouve également ces deux inspirations dans la bande originale qui mêle des samples 16 bits et des boucles musicales, tantôt électroniques, tantôt punk. Le talent des développeurs et l’équilibre parfait de ces deux univers rendent le titre singulier. 

Le gameplay a, lui aussi, ses particularités. Pas question pour Indika d’incarner la nouvelle star du survival horror, notre nonne n’a pour seules armes que son chapelet et ses prières pour affronter son unique ennemi, la Bête. Durant son aventure spirituelle, elle pourra interagir avec des objets ou des mécanismes afin de résoudre des énigmes environnementales, mais il n’y a point de combat, si ce n’est celui qu’elle mène en son sein. Indika voit en effet sa foi mise à l’épreuve par le Diable qui la tourmente et se délecte de la confusion qu’il sème dans son esprit. Nous devons parfois solutionner des puzzles sur plusieurs niveaux de réflexion et user de cantiques pour passer d’une réalité à l’autre et ainsi trouver la clé du mystère.   

Nous pouvons aussi compter sur l’assistance de Illia, notre compagnon de voyage, pour démêler certaines situations. Au fil du récit, on comprendra que malgré leur antagonisme sociétal, nos deux partenaires d’infortune ont bien plus en commun qu’il n’y paraît. La qualité du level design et la construction des puzzles permettent d’éviter l’impression de déjà-vu ou de redondance des mécaniques. On a vraiment apprécié relever ces défis à la difficulté modérée. 

Enfin, la présence d’une jauge d’expérience pourrait laisser croire que finalement les développeurs n’ont pas innové tant que cela. C’est sans compter sur l’excentricité de l’arbre des compétences qui conduit à la progression de la spiritualité de notre nonne au fil de l’aventure. La découverte d’icônes religieuses, les prières dédiées aux défunts ou les cierges allumés çà et là permettent d’accumuler suffisamment de points d’expérience pour avancer dans la ramification des capacités de notre personnage. Nous vous laisserons la surprise du résultat de ce chemin initiatique, mais là encore le Diable se cache dans les détails. 


À deux doigts de la béatification 

Les équipes ont eu à cœur de nous offrir le meilleur jeu possible malgré le contexte géopolitique actuel, faisant de la création d’un jeu un véritable sacerdose pour atteindre nos contrées. Le recours à la photogrammétrie pour modéliser les icônes religieuses faisant office de collectibles n’en est qu’un exemple parmi tant d’autres. Le sound design de bonne facture permet lui aussi une réelle immersion. Nous avons presque eu froid en entendant les bruits de pas dans la neige d’Indika alors que nous étions bien au chaud.

Il reste cependant quelques péchés à confesser. Bien que le titre propose trois modes graphiques (performance, équilibré et qualité) et deux niveaux de fréquence d’images (30 FPS ou 60 FPS), la typologie du jeu rend peu utile ce choix de configurations. Personnellement, nous avons rapidement opté pour un rendu qualité en 60 FPS, ce qui semble être la meilleure façon d’apprécier l’œuvre.  

La narration est également mise à mal par des temps de chargement qui surviennent, de plus, à des moments charnière du récit. Cela casse un peu le rythme et peut conduire à rompre l’immersion du joueur. Nous vous conseillons vivement l’utilisation du stockage SSD pour réduire cet impact.

Nous pourrions aussi reprocher à Indika de clore son histoire bien trop vite. Après moins de 6h de jeu, nous étions déjà face aux crédits de fin malgré une tendance à vouloir explorer chaque recoin à la recherche de collectibles. Nous noterons cependant que la conclusion narrative, et la réflexion sur le dogmatisme qu’elle suscite, pousseront certainement le joueur à relancer une partie afin de relever les détails qui lui auraient échappé à la première lecture. Les complétistes, quant à eux, y retourneront sûrement pour assouvir leur passion tout en profitant d’un sélecteur de chapitre pour leur faciliter la tâche. 



Indika fait partie de ces jeux qui intriguent, interrogent et qui sont de fait difficilement catégorisables. La direction artistique mêlant des rétrospections en pixel art et un pèlerinage introspectif en 3D photoréaliste fait son petit effet. Le titre propose également une certaine fraîcheur dans la construction de ses énigmes environnementales. Dans ce voyage spirituel, ce n’est pas la destination qui compte, mais le chemin (de croix) parcouru. Pourtant, pour Indika, la fin n’est que le commencement. 

Constantes positives

  • La direction artistique singulière qui mêle pixel art et 3D photoréaliste
  • Des énigmes environnementales à plusieurs niveaux de réflexion
  • La présence d’un menu de choix de chapitre bien pratique pour la chasse au 100%

Pathologies

  • Les temps de chargement qui coupent l’immersion (SSD recommandé)
  • Des transitions scénaristiques parfois brutales qui nuisent un peu à l’écriture

Le tampon du spécialiste


Informations complémentaires :

Type :Aventure
Développeur :Odd-Meter
Éditeur :11 bit studios
Date de sortie : 02/05/2024
Version : 1.0
PEGI :PEGI 18 : Violence extrême, Langage ordurier
Temps de jeu : 10H

Configuration PC de test :

ProcesseurAMD Ryzen 5-5600X 3.7 GHz
Carte graphiqueAMD Radeon RX 6600 8go GDDR6
RAM16 Go DDR4 / 3000 Mhz
Support de stockageSSD

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