L’été (dans l’hémisphère nord du moins) est rarement une saison prolifique en sorties de titres majeurs pour l’industrie. Les éditeurs se concentrent davantage sur une période bien plus propice aux annonces, aux évènements majeurs qui encadrent les mois ensoleillés et à la mise en place du budget pour le prochain exercice financier. L’été, c’est chill quoi. Au milieu du calme apparent, c’est souvent l’occasion pour des jeux moins en vue de se faire une petite place au chaud et de montrer de jolies choses. C’est le cas pour le très discret Dear me, I was…, une production exclusive à la Nintendo Switch 2 qui pourra se savourer entre deux séances de farniente ou sous l’ombre d’un chêne centenaire.

Arc System Works est à la fois éditeur et développeur, basé au Japon, et spécialiste des jeux de combats précis qui envoient du lourd à l’écran. Présent lors de la dernière édition de la Japan Expo, le studio proposait d’ailleurs un stand dédié aux nouveautés plutôt nerveuses telles que Hunter X Hunter Nen X Impact ou Double Dragon Revive. Alors, forcément, voir soudainement apparaître la dernière création de Taisuke Kanasaki dans le catalogue de l’éditeur avait de quoi surprendre… Le nom ne vous évoque peut-être pas grand-chose, l’homme étant plutôt rare sur le devant de la scène, mais sa patte graphique et unique vous rappelle forcément des jeux du passé, dans le même style. Oui, il s’agit bien du créateur des prenants Another Code et Hotel Dusk : Room 215, sortis à l’origine sur Nintendo DS.
Depuis la fermeture du studio Cing en 2010, à qui l’on devait ces beaux titres narratifs, Taisuke Kanasaki avait majoritairement pris des rôles de consultant ou de collaborateur sur des titres plus anonymes. Il a rejoint les équipes d’Arc System Works en 2018, l’occasion pour lui de reprendre la direction de son nouveau jeu, Dear me, I was… « Jeu » n’est d’ailleurs pas le terme qui qualifierait le mieux son nouveau chef-d’œuvre visuel. Si ses précédentes productions lorgnaient autour de l’enquête, de la remise en question et de la recherche de vérité, ici, il faudrait y voir davantage un projet personnel, presque intime. Difficile de dire s’il s’agit d’une forme autobiographique quelconque, mais Dear me, I was… représente ce que pourrait être la vie de tous les jours, avec ses choix, ses joies, ses peines, ses haines et tout ce qu’elle peut apporter d’émotions contradictoires lorsque les épreuves se présentent sans crier garde.

Nous ouvrons une page en guise d’introduction, celle de la vie d’une petite fille vraisemblablement japonaise, anonyme, dans laquelle n’importe qui pourrait se retrouver. Elle est enfant unique, ses parents lui transmettent tout l’amour possible et la chérissent dans un environnement familial à la fois doux et sensible. Tout en aquarelle, Dear me, I was… dépeint les émotions positives, celles de la joie, avec de jolies couleurs aquarelles qui font immédiatement sourire, tandis que la jeunesse heureuse de cette petite fille nous rappelle les souvenirs tendres de l’enfance. On y voit une maman préparer le repas préféré de notre héroïne en culotte courte, tandis que le papa lui apprend à représenter les scènes de la vie grâce à un pinceau et quelques pots de peinture. Tout semble idyllique, probablement même cliché sous certains aspects, mais c’est une vision dont rêverait chaque famille. Avant un drame…
La perte, le deuil, la souffrance… Ce sont des ressentis que tout un chacun affronte au moins une fois dans sa vie et notre petite fille n’y échappe pas lorsqu’elle apprend le décès de son papa, survenu après un tragique accident à vélo que nul n’aurait pu prévoir. La joie de vivre disparaît peu à peu, même cette passion pour la peinture qui rattachait tellement de bons souvenirs. Dès ce point, la petite fille grandit et rejoint le lycée ou tout est gris, fade. Elle est seule, n’a personne pour lui offrir de nouvelles tranches de vie qui resteront à jamais gravées dans son cœur meurtri. Pourtant, c’est lorsque l’on s’y attend le moins que les surprises arrivent. Une amie, une sœur, une confidente. C’est exactement de ce genre de relation qu’avait besoin la petite fille devenue adolescente. Avec sa partenaire, elle flirte sur des émotions contradictoires, au point de quasiment se brûler les ailes et de laisser la vie les séparer. Tout est cyclique : la joie est contrebalancée par la peine.

Il serait extrêmement difficile de poursuivre ce test sans divulguer l’ensemble des péripéties que va rencontrer la jeune femme, que l’on suit tout au long de sa vie. De l’enfance à un âge vénérable, on y voit tout ce qui pourrait constituer les épreuves et les conséquences de prises de décision que l’on ne maîtrise pas sur le moment. Dans les faits, Dear me, I was… est extrêmement court et se terminera en moins d’une heure. Il s’agit d’un objet jouable vidéoludique non identifié que chacun pourra ressentir à sa façon : d’aucuns pourront le trouver absolument inadapté à un support tel une console de jeux, pourtant il aide à briser les mondes. On pourrait l’imaginer comme une sorte de roman interactif dans lequel on se laisserait bercer par son propre ressenti, son vécu. Les personnes sensibles à l’écoute de leurs émotions pourront y voir le reflet de leur propre vie, grâce à une anonymisation voulue.
Pas de contexte, pas de lieu, pas de nom… C’est l’histoire de tout le monde. Mais c’est avant tout l’histoire d’une petite fille qui grandit pour devenir une femme à la fois heureuse et torturée. Dans cet exercice, pas besoin de dialogue. Tout se fait dans le silence, les regards, les touchers et la douce musique mélancolique qui accompagne les dix volets de cette très courte aventure. Les seules interactions manette en main vous permettront de nourrir l’héroïne. D’ailleurs, tous les gestes mécaniques demanderont une légère pression sur le bouton A ou de déplacer le curseur avec le joystick. Comme une autre métaphore, ces actions de la vie, imitant des besoins fondamentaux, sont comme « guidés » par des instincts naturels, physiologiques, tandis que le reste des sens est porté par l’image à l’écran. Une beauté de la vie portée par la technique dite de rotoscopie, reproduisant des séquences réelles en actions animées. Film, dessin animé, roman interactif… jeu « vie »déo.







Diagnostic final
Laissez aller vos émotions
Il est toujours délicat de donner un avis objectif sur ce genre d’œuvre. C’est d’ailleurs le bon terme, œuvre. Avec Dear me, I was… vous ne lancerez pas un jeu vidéo au sens ludique auquel on s’attend. Vous ne prendrez aucun plaisir manette en main, vous n’explorerez pas de contrées lointaines et exotiques, pas plus que vous n’affronterez d’innombrables ennemis sur votre route. Non, vous ferez mieux que cela : vous vivrez la vie. Pas la vôtre, certes. Mais celle d’une petite fille à laquelle on peut s’identifier, tant elle est réaliste. Elle dépeint des émotions et c’est exactement ce qu’a voulu transmettre Taisuke Kanasaki avec sa dernière création. Pour environ 8€, vous aurez là l’équivalent d’un roman, d’un DVD ou d’un CD que l’on relance régulièrement par plaisir. Commencer le jeu, c’est lancer une expérience qui pourra vous laisser totalement indifférent comme vous bousculer au fond de votre être. Ce n’est pas si évident, en seulement une heure, pourtant les films y parviennent bien. Dear me, I was… ne se joue pas, à proprement parler, il se vit, s’écoute, se regarde et se ressent. C’est plutôt lui qui jouera sur vos émotions. Vous voilà prévenus.
Constantes positives |
---|
- Une histoire à laquelle s’identifier
- Un jeu d’acting convaincant
- Une palette graphique chatoyante
Pathologies |
---|
- Des ellipses temporelles qui auraient mérité d’être vécues
- Très court, trop court…
Le tampon du spécialiste
Informations complémentaires :
Type : | Aventure, narration |
Développeur : | Arc System Works |
Éditeur : | Arc System Works |
Date de sortie : | 31/07/2025 |
Version : | Fournie par l’éditeur |
PEGI : | PEGI 3 : tout public |
Temps de jeu : | 1 H |
Laisser un commentaire
Vous devez vous connecter pour publier un commentaire.