L’histoire autour du projet Symphonia a tout de la success-story en devenir : rendue publique en 2020, la première version de démonstration jouable était à l’origine un projet de fin d’études. Alors étudiants à l’ISART Digital, les treize développeurs ont senti un certain potentiel, ce dernier étant récompensé notamment d’un GSA BAFTA Student Awards en 2021, et ont créé leur propre structure.

Le studio Sunny Peak est donc né de façon peu commune : grâce à un programme vidéoludique d’études devenu un véritable jeu vidéo. Nous y sommes enfin et Symphonia est désormais accessible au grand public, dans sa version commerciale. Avant d’en arriver à le proposer sur les différents stores, le titre a pu obtenir de prestigieux titres tels qu’un Pégase en 2021 ou le tout récent Prix du public de l’Indie Game Contest 2024, pour ne citer qu’eux. 

Il y a quelques mois de cela, nous avions eu l’occasion de nous essayer à l’exercice comparatif de la copie d’origine, le projet étudiant, avec une version de démonstration du jeu testé dans ces lignes. Cette fois, le check-up complet se focalise tout en mélodie sur ce récital que nous offre Sunny Peak. L’occasion de déceler la présence de fausses notes comme de véritables accords symphoniques. Laissez-vous bercer…

Il est temps de redonner des couleurs à Symphonia…

La vie est une symphonie dont chacun est le chef d’orchestre (Pascal Obispo)

Symphonia est une cité musicale prospère, fondée par d’illustres esprits virtuoses s’assurant de maintenir l’équilibre lyrique grâce à leurs compositions. Sans raison apparente, une tragédie frappe et les protecteurs disparaissent mystérieusement, ainsi que les musiciens, laissant le royaume dans un silence assourdissant… C’est dans un décor dévasté que va renaître l’espoir.

Au milieu de ses divagations, un automate met la main sur un ancien artefact conservé intact : un masque blanc en forme de tête d’oiseau, à l’image de ceux portés par les fondateurs de la cité. L’automate sait immédiatement quoi en faire, en l’amenant dans le temple où tout a commencé. Un esprit-violoniste prend alors forme et le majestueux Philémon apparaît, accompagné de son instrument et d’un archet. 

Sans plus attendre, bien que surpris d’une telle apparition, l’automate indique le chemin à ce nouveau guide musical sur qui tout espoir repose désormais. C’est ainsi que l’aventure commence, dans une cinématique animée du plus bel effet. Philémon est tout de suite mis à contribution et retrouve sa loge, au cœur de Symphonia. Dans les faits, les coulisses d’une magnifique scène attendant son public.

L’Automate guide Philémon a une scène vide de spectateurs…

Malgré un scénario quasi inexistant, il ressort un sentiment très poétique de l’aventure que vit Philémon dans sa quête. Raviver la flamme musicale de tout un royaume pince une corde mélancolique très appréciable, dans un jeu qui ne prône jamais la violence. Tout est mélodieux, harmonieux… Mais pas de tout repos ! 

Philémon doit réunir trois grands musiciens, les Prodiges, éparpillés et tenus au silence depuis la catastrophe qu’a connue Symphonia. Répartis dans trois univers différents, l’Arlequin, la Matriarche et le Roitelet devront rejoindre le mystérieux héros pour former un quartette et tenter de redonner vie aux différents biomes du royaume.

Symphonia est une ville plutôt époustouflante visuellement : de style steampunk et baroque, la cité présente des décors parfois somptueux, accentués par des effets de lumière qui les mettent en valeur. On peut y croiser des petits automates en pleine action comme en veille. Chaque fin de niveau aux airs d’apothéose est l’occasion de jouer en duo avec un grand musicien, donnant lieu à une véritable renaissance de l’environnement. 

Certains éclairages sont splendides !

Je voue mes nuits à l’Assasymphonie… (Mozart l’Opéra Rock)

Pour y parvenir, Philémon doit compter sur ses capacités. Équipé d’un archet, il s’agit là de la principale originalité du jeu en termes de gameplay. Ce dernier offre au personnage une compétence de catapultage, permettant d’atteindre des parties cachées ou en hauteur. Un système original qui, couplé aux sauts, donne un véritable cachet à l’expérience. Pas si évidente à maîtriser, cette technique procure de belles sensations une fois que l’on en a compris le fonctionnement.

Symphonia repose d’ailleurs sur une prise en main accessible, plutôt conçue pour les manettes, et faite de trois boutons principaux : un dédié au saut/double saut, un pour se catapulter et un dernier pour jouer des mélodies. Ces dernières permettent de résoudre des énigmes et d’ouvrir des passages fermés. Au fil de l’aventure, Philémon gagne d’autres habiletés qu’il peut débloquer dans sa loge. À condition de les trouver… 

C’est là que repose toute la difficulté du titre : véritable plateformer die-and-retry, le jeu va vous donner de la corde à violon à casser, beaucoup de cordes… Sous ses aspects enchanteurs, Symphonia constitue un vrai défi pour les amateurs du genre et certains passages demanderont plusieurs dizaines d’essais avant de trouver le bon timing ou la bonne combinaison de sauts. Parfois frustrante, l’expérience le devient pleinement quand il s’agit de recommencer une zone en intégralité, à quelques mètres du checkpoint suivant…

Certaines zones sont coriaces…

Oui, Symphonia est exigeant. Comme les notes d’un concerto réglées sur du papier à musique fin, le jeu vous demandera patience et dextérité dans vos mouvements. La maniabilité manque parfois de précision et malgré cette compétence de catapultage, les fausses notes peuvent venir gâcher une partition qui semblait parfaite. Pourtant, on prend un plaisir presque coupable à persister jusqu’à obtenir l’harmonie parfaite. 

C’est le cœur même de l’expérience de Symphonia : savourer le passage d’une zone, exécuté avec doigté et finesse. Deux approches permettent de savourer l’expérience. La première, consiste à prendre son temps à la recherche de tous les collectibles (notes de musique, souvenirs, lettres) et demandera de la patience. La seconde transforme le jeu en speedrunner compétitif. Une fois l’aventure principale terminée, le mode Poursuite propose même d’arpenter de nouveau les niveaux, cette fois en compagnie de l’ombre de Philémon à réussir à semer.

Une option intéressante est d’ailleurs à noter : en plein jeu, il est possible d’activer un chronomètre pour obtenir ses performances en direct. Avec trois niveaux scindés en plusieurs zones et un mode new game + encore plus difficile, nul doute que Symphonia candidate à une sérieuse place compétitive dans le genre, lui conférant automatiquement une rejouabilité très intéressante et conséquente, pour peu que l’on aime les défis. Sans trop en dévoiler sur les succès, il faut savoir que l’un d’eux sera octroyé à qui terminera le jeu en moins de 120 minutes chrono. Les Jeux Symphoniques sont ouverts ! 

Tout va bien se passer…

La musique c’est du bruit qui pense (Victor Hugo)

Au-delà de l’aspect graphique et technique, c’est dans un autre domaine que brille Symphonia. Aucun mélomane ne saurait rester de marbre à l’écoute d’une bande-son absolument magnifique ! Un jeu vidéo indépendant peut rarement se targuer d’une telle identité musicale, et pourtant. Véritables amateurs de musique, les développeurs de Sunny Peak en ont fait une force en jeu.

Délicatement présente, les compositions musicales de style classique accompagnent Philémon tout du long de son aventure. Lui-même équipé d’un violon, il peut spontanément jouer des morceaux enregistrés pour l’occasion et agrémenter l’expérience auditive de mélodies réussies. Ces dernières n’ont pas d’influence directe sur la maniabilité ou les capacités de Philémon, mais elles ont été créées sur mesure et cela change tout.

On a tendance à dire qu’une musique que l’on ne remarque pas, s’accorde parfaitement avec le moment que l’on vit. En jeu, les compositions symphoniques ne font qu’un avec les mouvements du personnage principal et ne sont jamais de trop. C’est l’une des forces de Symphonia : la cité musicale se réveille au passage de Philémon et nous transporte littéralement dans son univers.

Regarder (et écouter) jouer Philémon est un véritable plaisir

Les moins ouverts seront réticents à l’idée d’écouter de la musique classique durant plusieurs heures, mais elle est absolument indissociable du titre. Il faut dire que les développeurs ont eu une idée formidable en approchant les musiciens de Scoring Productions pour la bande-originale. Leur orchestre donne un cachet immédiat aux partitions vidéoludiques de Symphonia et voir Philémon se dandiner fièrement au son de son violon est délicieux.

Une impression encore plus prégnante lors des zones en fin de niveau, durant lesquelles l’art consommé des Prodiges accompagne  Philémon pour redonner vie aux environnements. En définitive, Symphonia s’écoute autant qu’il se joue et explorer chaque niveau, dédié à un instrument de musique en particulier, entraîne le regret immédiat de ne pas ouvrir l’aventure à davantage de niveaux. Au nombre de trois, comme les Prodiges, ils ouvrent néanmoins la perspective d’en espérer au moins autant que d’instruments composant un orchestre symphonique. Faites entrer les musiciens !



Philémon est un personnage attachant avec une personnalité charismatique. Bien que muet, le musicien transporte dans sa quête pour raviver la flamme musicale de Symphonia. La musique joue un rôle prépondérant dans cette aventure à la fois mélodieuse et gracieuse. Mais ne vous fiez pas aux apparences : le premier titre de Sunny Peak est aussi intraitable qu’un prof de solfège et  demandera un peu de temps pour maîtriser son gameplay. Juste assez pour revenir et battre des records de vitesse, comme un violoniste cherche toujours à jouer encore plus rapidement toutes les notes qu’on lui donne. Le jeu est court, assurément, mais il a assez de matière pour être relancé et faire le bonheur des complétistes comme des speedrunners. Entre la version étudiante et celle-ci, adaptée au grand public, le bond est spectaculaire en tous points et on ne peut que féliciter les développeurs de Sunny Peak d’avoir cru en leur rêve de voir un jour ce projet, à la fois vidéoludique et musical, devenir une réalité. Ainsi, treize chefs d’orchestre ont donné naissance à leur Symphonia, leur partition. Au tour maintenant des musiciens, manette en main, de l’interpréter.


Constantes positives

  • Une véritable identité graphique 
  • Une bande-son envoûtante
  • Une rejouabilité intéressante
  • Philémon !

Pathologies

  • Des passages inégaux en difficulté
  • Une maniabilité manquant un poil de précision
  • Une aventure un peu courte

Le tampon du spécialiste

Informations complémentaires :

Type :Plate-formes
Développeur :Sunny Peak
Éditeur :Head Up, Beep Japan
Date de sortie : 05/12/2024
Version : Envoyée par l’éditeur – Version bêta
PEGI :PEGI 3
Temps de jeu : 10 heures

Configuration PC de test :

ProcesseurIntel Core i5-9300H CPU @ 2.40GHz
Carte graphiqueNVIDIA GeForce RTX 2060
RAM16 Go DDR6
Support de stockageSSD 500 Go
Plateforme de jeu : Steam

par

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