Même les plus réfractaires aux jeux mobiles et au système de gatcha ont entendu parler des productions de Hoyoverse. Si les jeux de l’univers Honkai (Impact et Star Rail) sont probablement plus confidentiels, il aura été impossible depuis 2020 d’échapper à la déferlante Genshin Impact, qui a lancé la conquête du monde par le studio chinois. Comptant aujourd’hui plus de 4000 employés, il engrange chaque mois le budget d’un bon gros blockbuster avec ses titres sur mobile : une success story qui a de quoi faire rêver les ténors du secteur. Cependant, loin de se reposer sur ses lauriers, Hoyoverse  attaque de plus belle cet été en nous offrant sa dernière production, Zenless Zone Zero, action-RPG pur jus. Derrière ce titre qui interpelle (50 millions de téléchargements en 48h sur PC/PS5 et mobile), voyons ce qu’il y a de beau derrière ce triple Z et ses personnages très bizarres qui ont envahi les réseaux sociaux ces dernières semaines.


Un démarrage en fanfare !

Bienvenue dans un monde résolument cyberpunk. Les infos à la télé sont déprimantes, les politiciens corrompus, de grandes corporations tiennent la mégapole de Nouvelle-Eridu sous leur coupe et l’ordre a bien du mal à se maintenir. L’apparition d’une “Néantre”, une sorte de distorsion dimensionnelle dont la prolifération a fait s’effondrer la civilisation quelques années plus tôt, perturbe actuellement une opération de police menée dans la Quatorzième rue contre un groupe terroriste appelé les Crocs rouges. Ambiance. 

Après cette trop courte présentation, nous sommes invités à choisir le personnage que nous allons incarner, entre Belle ou Wise, pour poursuivre l’histoire. Si Wise a l’air calme et déterminé, Belle a l’air plus enjouée et enthousiaste. La subtilité dans le choix du personnage vient du fait que, loin de disparaître de l’intrigue, le protagoniste que nous n’avons pas choisi reste actif au fil du scénario et interagit très souvent avec son binôme. Ce qui est surprenant, c’est que le héros choisi ne participe pas directement à l’action et reste cantonné à un rôle de guide, ce qui est plutôt bien vu scénaristiquement et s’intègre particulièrement bien avec le scénario et les mécaniques de jeu.

S’ensuit une séquence cinématique d’une course-poursuite frénétique où nous faisons brièvement la connaissance des trois premiers personnages jouables identifiés rapidement comme les Lièvres rusés, pris en chasse par les fameux Crocs rouges. L’humour est à l’honneur malgré le sérieux de la situation. Le trio vient de leur subtiliser un mini coffre-fort au contenu mystérieux. Ceci permet de lancer tout un tas de pistes sur l’univers de Zenless Zone Zero, les enjeux et les factions en présence. Le découpage des scènes fixes emprunte largement à l’univers du 9ème art et est très agréable à parcourir. Avec sa finesse habituelle, l’armée arrive et fait tout péter, projetant sans distinction héros et criminels du haut du gratte-ciel dans lequel ils s’affrontaient dans la fameuse Néantre.

Nous sommes alors plongés dans un décor de désolation urbaine. Le temps de souffler, Anby, le premier membre du trio, calme, posée et très analytique, tente de faire le point sur la situation, la Néantre étant un endroit passablement hostile. De son côté, Billy Kid, le pistolero robotique au blouson rouge, fait le pitre et détend l’atmosphère. Enfin, Nicole, la cheffe de l’équipe, visiblement réputée pour ses oursins dans les poches, débarque chez Belle et Wise pour humblement demander leur aide. En tant que “proxy” légendaire nommé Phaéthon (l’identité est partagée par le duo), nous avons la possibilité de parcourir les Néantres avec notre interface HDD, via la connexion avec un Bangbou, une adorable petite mascotte qui tient pas mal du lapinou sous coke. Notre personnage effectue donc une sorte de “Dive” très cyberpunkesque pour retrouver les deux égarés. Pour un peu, on pourrait faire le parallélisme entre Belle et Futaba de Persona 5.

Les choses se corsent après quelques affrontements, quand nous reprenons le cours de la mission principale dans le monde réel, un hacker du dimanche forçant le duo à adopter une nouvelle identité (le pseudo choisi en début de partie). Il apparaît alors que le contenu du coffre-fort subtilisé par le boss du tutoriel intéresse beaucoup de monde. De fil en aiguille, les personnages comprennent qu’ils ont mis le doigt dans un engrenage faisant partie d’une machinerie beaucoup plus vaste qui les dépasse complètement.


Mais, sérieusement, ils ont tous un Sandevistan ?

Dès les premières minutes de gameplay avec Anby et son cutter géant, les déplacements sont vifs et les échanges de mandales avec les ennemis fort satisfaisants. Les mouvements de base (attaque et esquive) permettent de charger une barre d’énergie séparée en plusieurs segments, pour déclencher un coup spécial. Plus la barre est pleine, plus ils sont puissants. Simple et efficace, mais pas dénué de subtilités. La victoire contre la première vague se clôture en slow-motion par un superbe “WIPEOUT” qui prend tout l’écran, aussi grisant qu’un “Fatality” de Mortal Kombat.

Le gameplay de Billy est différent puisqu’il attaque à distance et peut étourdir les ennemis, permettant de “passer la main” à Anby pour finir le boulot d’un coup très puissant. Ce système de gestion d’équipe apporte immédiatement une dynamique très forte au combat. Quelques écrans plus loin, nous débloquons l’accès aux attaques ultimes des personnages ainsi que d’autres mouvements réalisables après une permutation correctement timée. Pas de repos pour les braves, la mise en pratique est immédiate, sur un boss beaucoup moins crétin que ses sbires. Avec un peu de pratique, il est possible d’effectuer des chaînes complètement délirantes et d’affoler le compteur de combos. Cette première prise en main montre un système très nerveux, plus complexe qu’il en a l’air et extrêmement jouissif à l’usage, ravivant les souvenirs d’un certain Scarlet Nexus.

Les missions du jeu s’effectuent en plusieurs phases et requièrent généralement un trio de personnages, certains étant parfois imposés par le scénario. Au début, on déplace notre Bangbou sur une carte constituée d’écrans cathodiques avec des icônes représentant des malus, bonus, évènements, objectifs et blocs divers avec lesquels interagir, donnant un petit air de casse-tête à l’interface. Il est possible et même conseillé d’explorer un peu pour récupérer quelques richesses en chemin. Plusieurs combats jalonnent la progression, le dernier du niveau nous opposant à un boss souvent bien accompagné. Une note est attribuée après la victoire finale en fonction de la performance réalisée, du nombre de données collectées dans le niveau ainsi que du timing, ce qui influe sur les récompenses obtenues. Voilà pour l’action.

Entre les missions d’histoire, un grand nombre d’activités annexes est proposé, permettant de booster la puissance de l’équipe. Montée en niveau, équipements divers, renforcements des pouvoirs, il y a de quoi faire. Mais il ne faut pas se disperser, car, jeu Hoyoverse oblige, le système d’énergie rechargeable limite les actions réalisables chaque jour. Il faut donc bien choisir quelles sont les priorités, quel personnage privilégier, surtout si l’on effectue de nombreux tirages en début de partie. Nous allons y revenir.


Sans le Zen, mais sacrément riche !

Les informations sur l’univers, en plus du compendium explicatif basique qui s’enrichit à chaque nouveauté, prennent la forme de fils d’actualité suivant les événements de l’histoire, comme sur les réseaux sociaux. Elles permettent d’approfondir le lore de manière ludique, de s’inscrire à des missions annexes et de comprendre plus facilement certains concepts du jeu (tu veux voir ma Carotte ? Non, ce n’est pas ce que tu crois !). La localisation française est d’excellente qualité, surtout dans l’utilisation du langage familier. Les très nombreux textes d’ambiance et dialogues regorgent de références et de clins d’œil plus ou moins appuyés à la culture geek (pas forcément récente), aux autres titres du studio et à l’informatique en général. 

Sortant enfin de notre antre de hacker afin d’explorer l’environnement immédiat, nous nous rendons compte que nous habitons dans le quartier populaire relativement vivant de la Sixième rue. Le Random Play, la boutique de vieux films qui sert de couverture à nos activités, côtoie un marchand de journaux chez qui nous pouvons quotidiennement aller récupérer une carte à gratter, un restaurant de rue au chef très boute-en-train, un magasin de gadgets dont le patron est l’un de nos bons “clients”, un café, une salle d’arcade où se jouent des parties de Snake à quatre joueurs, ainsi que d’autres joyeusetés à débloquer au fil de l’histoire… Un p’tit goût de Yakuza, le bonheur. 

Ce qui est certain, c’est que le nouveau titre de Hoyoverse est superbe dans son style visuel à la fois cyberpunk, rétro et urbain (comment ne pas associer les graffitis à Jet Set Radio ?), qui pète dans tous les sens. On le sent d’ailleurs bien sur le poids initial du jeu (plus de 50 Go sur PC/PS5 et presque 20 sur mobile) ainsi que lors des temps de chargement, systématiques à chaque changement de zone, combat ou séquence scénaristique. Plus que jamais, les cinématiques in-game sont de petits bijoux de mise en scène ultra-dynamique.

Les décors regorgent de petits détails complètement inutiles, donc indispensables. Tout comme les très nombreux éléments de narration, les journaux, publications sur les réseaux et bien entendu les jaquettes des films de la boutique, ils construisent une narration environnementale cohérente et riche pour qui s’y attarde. Le character design est plus audacieux et varié que dans les productions précédentes du studio et met l’accent sur les personnalités des différents protagonistes, qu’ils soient jouables ou simples PNJ. Il est impossible d’échapper à certains archétypes féminins “faciles”, comme Corin, la maid qui emprunte la Whirligig Saw de Bloodborne, mais il y aurait eu de quoi se plaindre s’ils avaient été absents. Mention spéciale à Billy Kid, qui donne dès le départ l’impression d’un Deadpool mixé avec Vash the Stampede.

L’éclectisme est le maître-mot de la bande-son qui mixe allègrement la techno, parfois bien hardcore pour les séquences de combat, le rock, le jazz et la synthwave. Il y en a vraiment pour tous les goûts et le jeu se paye le luxe d’adapter l’accompagnement musical de la Sixième rue en fonction de l’heure de la journée. Les doublages en chinois, coréen, japonais ou anglais (par défaut pour nous autres européens) donnent réellement vie au casting complet. Là encore, pas de version française, ce qui s’explique aisément : la cible prioritaire reste le marché asiatique, qui représente la grande majorité des revenus.


Ne plus savoir où donner de la tête…

Autant prévenir immédiatement les curieux qui pourraient vouloir se lancer dans l’aventure la fleur au fusil, attirés par les bandes-annonces extrêmement alléchantes : Zenless Zone Zero demande une certaine habitude des jeux du genre pour ne pas se retrouver complètement perdu dans la masse d’informations et de termes spécifiques qui sont fournis en début de partie, à grands renforts d’effets visuels clinquants. 

Si chaque nouvelle mécanique fait l’objet d’un tutoriel simple, celles-ci se multiplient très vite. Plusieurs nouveaux menus et onglets apparaissent progressivement.  C’est compliqué à assimiler en peu de temps, malgré une interface qui se veut relativement simple et intuitive à utiliser. Missions annexes, entraînement virtuel, quêtes locales plus ou moins WTF (ce trip de la poubelle…), ramifications scénaristiques complexes, on frise rapidement l’indigestion.

Petit rappel important pour les profanes : le système de gatcha est au centre du gameplay. En effectuant tout un tas d’actions différentes (avancée dans le scénario, objectifs hebdomadaires, quêtes du Battlepass, liste non exhaustive), nous sommes récompensés par plusieurs monnaies spécifiques (en petites quantités), qui permettent d’effectuer des tirages pour tenter d’obtenir des personnages et des équipements de haute qualité, avec un principe de garantie de récompense au bout d’un certain nombre d’essais. 

Le système est connu, extrêmement bien rôdé, et vu son efficacité sur les autres titres du studio, il est ici strictement identique. S’il est parfaitement possible de se contenter des possibilités que le jeu propose gratuitement, on peut évidemment passer à la caisse pour s’assurer l’obtention d’un élément spécifique. Vous êtes du genre impatient ? Collectionneur compulsif ? Vous risquez vraiment de vous mettre mal avec votre banquier.



Diagnostic : J’te promets pas la Lune, juste un peu de Soleil Vert

Niveau d’attente

Brûlant


Zenless Zone Zero confirme donc les très bonnes impressions que nous avions eues depuis les premières annonces du titre il y a deux ans et soutient pleinement la comparaison avec un The World Ends With You pour l’ambiance et le roster.

Il est forcément difficile, voire impossible au bout de quelques heures de jauger du succès d’un jeu de type GaaS, qui va recevoir de nombreuses et régulières mises à jour et ajouts scénaristiques au fil du temps. Mais ce qui est certain, c’est que Hoyoverse n’a pas ménagé ses efforts pour offrir aux joueurs un titre extrêmement prometteur, en proposant une expérience renouvelée par rapport à ses autres productions, dans un univers riche qui donne complètement envie de s’y plonger.

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