« Il faut légiférer » ! Voilà l’appel lancé par Céline Duhamel et Marc Bretonnière lorsque nous les avons rencontrés en plein Bordeaux Geekfest. Les deux comédiens, connus notamment pour leurs performances vocales dans des titres majeurs tels que Halo, Mass Effect ou encore Destiny, étaient présents en capitale girondine, du 24 au 25 mai dernier. L’occasion pour nos cliniciens d’évoquer avec eux leurs parcours respectifs, mais aussi d’aborder la situation concernant la prolifération de l’intelligence artificielle (IA) dans leur corps de métiers.


Jusqu’ici, les initiatives françaises se sont difficilement faites entendre au niveau étatique, malgré d’un mouvement tel que Touche Pas Ma VF. Cette initiative, lancée de concert par plusieurs comédiennes et comédiens de renom, concerne spécialement les métiers du doublage (dont vous pouvez retrouver la pétition en fin d’article). Elle a vu naissance alors que la France accuse un retard conséquent en termes de protection des artistes et de leur singularité. Ailleurs, aux États-Unis notamment, les choses commencent à bouger tandis qu’une grève de presque un an, précédée de dix-huit mois de négociation, vient de s’achever.

Le 2 mai 2023, les scénaristes de Hollywood avaient déjà tiré la sonnette d’alarme en soulevant le danger réel que représenteraient une prolifération massive et l’utilisation abusive de l’IA dans les métiers du cinéma. Ces derniers affirment avec quasi-certitude que d’ici à quelques années, une fois bien installée dans le paysage, l’IA serait capable d’écrire des scénarios de films convaincants et se développer au cœur de tout le processus de création. Un potentiel sur lequel dirigeants peu scrupuleux de studios de l’industrie cinématographique, comme vidéoludique ou encore musicale ne manqueraient de s’appuyer.

Crédit photo : Assemblée Nationale

Tout n’est évidemment pas condamnable. En tant qu’outil, l’IA a déjà fait ses preuves dans de nombreux domaines et représente un gain de temps conséquent, mais aussi une aide particulièrement efficace pour se projeter dans son idée. Et cela, parfois bien au-delà des métiers de l’art. En revanche, nul doute que comme dans tous les domaines dans lesquels l’innovation est mise en avant, certains n’y verront qu’un profit potentiel, au détriment de la qualité. L’inquiétude est forcément de mise lorsqu’on constate avec effroi ces vagues de licenciements et autres fermetures de studios dans les milieux créatifs. Depuis quelques années, le jeu vidéo est d’ailleurs tout particulièrement impacté (Microsoft, EA, SONY, Ubisoft, etc.).

Pour en revenir à la grève du syndicat SAG-AFTRA (Screen Actors Guild – American Federation of Television and Radio Artists), il faut savoir qu’elle survient à la suite des difficultés à trouver un accord satisfaisant entre les comédiens de doublage et les artistes de capture de mouvements. Ces artistes se sont engagés dans un conflit de plus d’un an et demi, les opposant à de grands groupes tels qu’Activision, Disney, Take-Two Interactive, Warner Bros, Epic Games, EA, etc.

Ce qui est soulevé ici, comme cela l’était déjà avec la grève des scénaristes, c’est l’utilisation frauduleuse des voix et des mouvements des artistes afin d’entraîner l’IA à les reproduire à moindre coût. Le tout, sans consentement ni rémunération de tous ces talents bien humains, eux. On peut par exemple citer le récent exemple de l’utilisation de cette technologie dans Fortnite, alors que la voix de l’avatar de Dark Vador était reproduite uniquement par IA. Pourtant, les artistes de talent ne manquent pas, et ce, depuis de nombreuses années, pour « donner vie » à ce personnage cultissime de la pop culture.

Crédit photo : SAG-AFTRA / Frazer Harrison

Cette grève aura permis aux artistes de se faire entendre et de se faire respecter : en cas de reproduction de leur voix ou de leurs mouvements par l’IA, les actrices et les acteurs américains spécialisés dans le doublage auront désormais un droit de regard et une rémunération équivalente à celle qu’ils auraient perçue en cas de performance live. Et ce, d’autant plus qu’il est acquis qu’utiliser la musique d’un groupe ou la voix d’un chanteur entraîne de facto le paiement de droits d’auteur. Mais ce n’est pas tout, puisque le texte adopté permet également aux artistes de continuer de pouvoir donner leur consentement avant utilisation, mais aussi de retirer leur accord en cas de nouveau conflit. De plus, ils ont obtenu en parallèle une hausse des rémunérations.

Si, dans les faits, tout cela est bien joli et permet aux acteurs d’avoir une base sur laquelle se défendre en cas d’usage “illégal” de leurs aptitudes, il est aussi vrai, comme nous le disait le célèbre Pierre-Alain de Garrigues, que la traçabilité et la transparence seront quasi impossibles à mettre en œuvre. Comment discerner que « tel » mouvement de main, mélangé à « tel » mouvement de bras, le tout sur un personnage se déplaçant de « telle » façon, serait une association de différents enregistrements et à quels artistes appartiendraient-ils ? S’il reste encore du chemin afin de s’assurer de rendre au “César outre-Atlantique” ce qui appartient au “César outre-Atlantique”, le chemin est encore plus long dans l’Hexagone où, à l’heure actuelle, rien n’est fait.

Si vous souhaitez aider nos artistes et leur montrer votre soutien, n’hésitez pas à aller signer la pétition en ligne, disponible à cette adresse. Chaque voix compte et les leurs pourraient disparaître du paysage créatif si rien n’est fait pour protéger cette spécificité franco-française, reconnue à l’échelle mondiale et adulée du grand public. Chez LCV, nous prendrons toujours plaisir à vous faire découvrir les voix mythiques de vos jeux cultes, bien au-delà de la simple performance vocale. C’est pourquoi nous espérons une action concrète pour préserver nos talents et pouvoir perdurer cet art dans un avenir proche.





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