Il est de ces projets que l’on n’attend pas (ou plus) à force d’être espérés, puis reviennent subitement sur le devant de la scène. C’est le cas du nouveau jeu en développement de Jane Whittaker. Si son nom vous est probablement inconnu, le personnage a tout de même marqué l’industrie de son empreinte et travaillé sur des licences aussi porteuses que Les Sims, Theme Park World ou encore Microsoft Flight Simulator. Surtout, on lui doit le fabuleux Alien vs Predator de 1994, l’un des rares titres pouvant justifier à lui seul l’achat d’une Atari Jaguar tant il était en avance sur son temps. Sa suite spirituelle, provisoirement intitulée Codename Xeno, y fait directement référence et s’officialise après pas moins de 30 années de gestation !

La Lynx, la Jaguar et la 7800 ont été les échecs successifs d’Atari en l’espace de 10 ans… Crédit photo : Atari

On peut dire que Jane Whittaker aime prendre son temps. Une « force tranquille » de plus de 40 ans d’expérience au sein de l’industrie vidéoludique et qui a, sans peut-être s’en rendre compte à l’époque de sa sortie, révolutionné le genre du survival-horror grâce à Alien vs Predator. Cette pépite de 1994 a sauvé la Jaguar de la faillite totale, elle que l’on décriait volontiers pour ses prétendues « fausses » performances graphiques en 64 bits. Bien avant l’arrivée de la Nintendo 64 sur le marché, c’est pourtant ce même jeu qui a offert une vitrine technique à Atari pour sa dernière console de salon. Bon sang, mais qui c’est Jane Whittaker ?

Avant d’évoquer Codename Xeno et le peu d’informations que l’on a pu avoir en notre possession à ce jour, il est de bon ton de rappeler qui est Jane Whittaker et pourquoi elle a pesé dans le game. Avouons-le, sans le communiqué de presse officiel et les recherches préalables à la rédaction de cet article, aucun de nos cliniciens n’aurait pu citer une œuvre de la créatrice britannique ou son influence auprès des éditeurs et développeurs les plus prestigieux. Le musicien Kevin Godley ose même la comparaison avec Mozart. Et force est de constater qu’à la lecture de son impressionnant CV sur LinkedIn, Jane la touche-à-tout ne semble pas l’usurper.

Une publicité française pour l’ordinateur Sinclair ZX 81. Crédit photo : abandonware.fr

Tout commence à 14 ans, sur un lit d’hôpital. Celui que l’on appelle encore Andrew subit opération sur opérations de séparations dans un contexte rare de gémellité siamoise lui conférant des caractéristiques biologiques à la fois masculines et féminines. Un rythme d’hospitalisation relativement long qui permet à Andrew d’apprendre le codage très jeune. Son premier titre-phare, Stellar Trader, a été développé sur un kit pour Sinclair ZX81, un ordinateur personnel de 8 bits aux caractéristiques modestes pour l’époque. Sa passion pour le jeu vidéo était née et une vingtaine de titres pour d’autres ordinateurs tels que le Commodore 64, le ZX Spectrum ou encore des modèles Atari ont suivi.

Il faut attendre son passage chez Cyberdreams, dès 1992, pour que Jane fasse la rencontre décisive de l’artiste créatif de la saga Alien, Hans Ruedi Giger. Et par « artiste créatif », il faut entendre celui à qui l’on doit le design des vilaines bestioles et du Nostromo, le vaisseau spatial mythique des films éponymes. Une pointure avec laquelle Jane Whittaker va collaborer sur Dark Seed, son premier grand succès. Elle aura pour mission de « donner vie » à tout l’univers créé par Giger pour l’occasion. Une suite verra le jour en 1995, mais Dark Seed reste l’un des points’n’click les plus marquants de sa génération tant l’horreur psychologique dépeinte y était insoutenable.

Dark Seed, le premier grand projet de Jane Whittaker aux influences évidentes à Alien

Après cet univers parallèle très inspiré des visuels d’Alien, Jane part se faire la main chez Microprose aux côtés de Mike Singleton. Un véritable mentor avec lequel ils travailleront ensemble sur des titres tels que Midwinter ou Ashes of Empire. Quelque peu oubliés aujourd’hui, ces jeux ont marqué toute une génération et restent des expériences fondamentales dans la carrière de Jane Whittaker. Pourtant, le plus gros morceau de son curriculum vitae n’a pas encore été évoqué. C’est un recrutement chez Atari qui va bousculer à jamais son œuvre… Alien vs Predator sur Atari Jaguar. Le genre de jeu qui peut faire basculer un achat tant il est bien exécuté. L’exemple de jeu qui peut (re)définir un genre entier tant les mécaniques sont en avance sur leur temps. Le type de jeu qui s’appuie sur une licence forte, très forte, que Jane Whittaker connaît sur le bout des doigts.

Lancé en octobre 1994, il accompagne à quelques mois près la sortie de la Jaguar, une console présentée comme la première 64 bits du marché par Atari, dont le succès est tout relatif face à la rivalité naissante entre PlayStation et Sega. Atari se devait de réussir pour se sauver dans l’industrie du hardware et Alien vs Predator allait taper fort : des graphismes fins, un univers déjà culte et la possibilité d’incarner un marine ou l’une des deux bestioles en tant que personnage jouable… Tout y était. Même la maniabilité, que l’on doit à Jane notamment. Le premier grand FPS narratif en 3D était né et les ventes ont naturellement suivi : sur les quelque 150.000 Jaguar vendues en trois ans de commercialisation, plus de 50.000 cartouches d’Alien vs Predator ont été vendues, équipant une console sur trois. Un vrai carton !

Alien Vs Predator sur Atari a défini ma carrière. Il a défini un genre, souvent considéré comme le premier véritable jeu de survie, récompensé par plus de 100 prix et récemment honoré de la troisième place dans le top 10 des jeux les plus effrayants de tous les temps. Il a donné naissance à une franchise durable. Il n’est pas exagéré de dire que nous avons changé le visage de l’industrie du jeu et, 30 ans plus tard, je reçois encore des messages de fans qui me demandent si je reviendrai dans ce genre avec une nouvelle franchise.

Jane Whittaker, communiqué de presse

Malheureusement, après à l’arrêt de production de la Jaguar et le retrait d’Atari du marché des consoles, la suite prévue n’aura jamais vu le jour. Jane a probablement rongé son frein et a continué une carrière prolifique, l’amenant chronologiquement à faire partie de l’équipe en charge du développement de Goldeneye (Nintendo 64), a créé l’un des RPG de lancement (Power Crystal) de la 3DO M2 (jamais sortie), fut impliquée dans l’émergence de franchises cultes comme Les Sims, Theme Park World ou Populous chez EA avant de produire le contenu additionnel de Microsoft Fligh Simulator X (PC), de participer au lancement d’Euro Truck Simulator, d’être juré aux BAFTA, de s’impliquer dans le cinéma et, finalement, de créer son propre studio, Athena Worlds. On reprend son souffle !

Forte d’une expérience résumée à l’extrême, tant il y aurait à dire, nous allons désormais nous focaliser sur la naissance d’Athena Worlds, en 2020, et de son premier projet phare : Codename Xeno. Et si on tenait là une suite spirituelle d’Alien vs Predator ? Le nom de code laisse évidemment penser aux xénomorphes du film et le pitch de départ également. De ce que l’on en sait pour le moment, le jeu sera de type survival horror et entend révolutionner le genre avec du crafting, de la gestion de ressources, des phases d’infiltration et l’utilisation de l’IA pour les personnages. Le tout sera un open-world et laissera le joueur à l’abandon sur la planète XL-243 après un crash. Enfin, pas tout à fait seul puisque des bébêtes seront là…

Alien vs Predator (1994) a défini un genre et offert un sursis salvateur à la Jaguar d’Atari

Voilà un projet fort ambitieux pour Athena Worlds, qui n’a produit qu’un DLC pour Train Sim World 5 depuis sa création… Toutefois, le studio est composé de vétérans des années 80 ainsi que de talents aujourd’hui, dont la participation est actée sur des titres tels que Zoo Tycoon, Forza Horizon 4, Medal of Honor, World of Warcraft, Mass Effect ou encore Crysis. Peu d’informations ont filtré, mais on sait par Jane Whittaker qu’il s’agira bien d’une nouvelle licence et que celle-ci germe dans son esprit depuis plus de 30 ans. Le développement n’en est qu’à ses prémices et l’éditeur sera prochainement annoncé pour un titre qui devrait d’abord sortir sur PC, puis sur consoles. Alors, véritable révolution pour le survival horror ou effet d’annonce ? Une certitude : la saga Alien n’a pas fini d’inspirer. Même si Codename Xeno ne sera vraisemblablement pas une itération officielle de la saga, il portera l’héritage d’un jeu qui aura traversé les époques, tout comme sa créatrice.

D’Andrew à Jane, un parcours dans l’industrie qui n’a pas fini de nous surprendre ! Crédit photo : Jane Whittaker

NDLR : Cet article s’appuie notamment sur des données recueillies via le site officiel de Jane Whittaker, sa page professionnelle LinkedIn et son interview de 2018 pour le magazine britannique Retro Gamer.

par

Avatar de Davcotron

Commentaires

Laisser un commentaire